Un cœur en hiver

Elle doit avoir dans les cinquante ans. Ce qu'on remarque en premier lieu, c'est son rouge à lèvres criard vermillon très clair et ses cheveux teints noir corbeau. On remarque ensuite sa démarche hésitante, que son embonpoint n'explique pas tout à fait, et ses volte-faces étranges lorsqu'on la croise dans le hall de l'immeuble. Elle tourne les talons, se fige devant le miroir et s'affaire à remettre son capuchon de pluie déchiré, ou à fouiller dans son sac. Parfois elle ne prend pas la peine de faire semblant et reste plantée face au mur, attendant que l'on ait passé son chemin*. Il s'agit alors de l'ignorer et on s'y applique d'autant mieux qu'elle a un parfum épouvantable et puissant.

Je l'ai croisée ce matin. Et j'ai passé mon chemin, concentrée sur mes propres pensées. Elle m'a dévisagée et m'a adressé la parole, me demandant timidement de l'aide pour l'accompagner jusqu'à la poste, le regard fixant la neige, désemparée. J'imagine qu'il lui a fallu du courage pour me démarcher. Je me suis retrouvée, bras dessus bras dessous avec cette grosse dame, avançant à pas prudents sur la glace pilée jusqu'au bureau de poste, deux rues plus haut. Lui ai proposé de repasser la chercher, ce à quoi elle a répondu, confuse, qu'elle se débrouillerait autrement, me remerciant de ma gentillesse. Je suis allée acheter de la musique, et puis du vin. Et suis rentrée, un peu sonnée.
Il faudra que je trouve un moment d'ici ce soir pour emballer les derniers cadeaux, à l'abri des petits curieux, qui du reste ont déjà quasi deviné ce que Noël leur avait apporté. Cette nuit, ces petits curieux feindront la surprise à l'heure d'ouvrir les paquets.
Mais la joie, elle, sera sincère. Effaçant la mélancolie de ces jours blancs.


*Je pense furtivement au film d'animation australien Mary & Max, au personnage de Max et à son syndrome d'Asperger.

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