Facialement vôtre

Quand j'avais huit-neuf ans (?), j'ai participé à un concours de poésie dans un cadre extra-scolaire; je ne sais plus très bien comment j'ai pu atterrir dans cette aimable manifestation, sinon que j'aimais sans doute la poésie ou plutôt la récitation, et que faisais déjà à l'heure de la maternelle des collages intempestifs des poésies de ma grande sœur et de ses leçons d'histoire absorbées dans mes propres comptines. Là, je n'en ai pas d'autre souvenir que la légende familiale qui m'a longtemps voulu en singe savant extraverti.
À ce concours de poésie, au moment de conclure un long poème d'Edmond Rostand (Hymne au soleil), le jury composé de deux messieurs chenus me demande d'où je viens. Très assurée, je leur réponds que je suis de nationalité française mais d'originalité indienne. Mes interlocuteurs étouffent un rire et me remercient avec bienveillance de ma prestance (là c'est moi qui en rajoute).
J'ai eu un prix à l'issue de ce concours, comprendre un cadeau, mais je ne me rappelle plus très bien quoi; je me souviens surtout d'un autre concours (de dessin? de déguisement?) où je suis rentrée à la maison avec un splendide réveil panoramique dont le cadran était imprimé d'une photo représentant un bord de mer et des mouettes (la tête de mes gamins si on leur offrait aujourd'hui un réveil).

La question de mes origines m'est souvent adressée et la geste familiale se poursuit, déclamée de façon moins cocasse qu'avant, plongeant toutefois toujours autant mes interlocuteurs dans la perplexité, car je suis née en Afrique du nord, d'origine indienne et portant un patronyme qui fleure bon l'Occident chrétien.
Et puis, tout récemment, les cafouillages pitoyables, sots et belliqueux qui m'avaient d'abord inspiré de l'effroi m'ont rappelé à ce petit moment oublié de mon enfance tourquennoise, et j'ai fini par trouver matière à sourire dans les obscénités qui se disaient.

Faudrait que je me lance:
Qui suis-je ?
Je suis d'origine algérienne et d'apparence chrétienne, indienne de sang et mère de trois Parisiens quarterons savoyards.
Je suis je suis je suis...

Pour y répondre, M. Guéant et la biométrie ne suffiront pas, je propose qu'on y introduise un peu de typologie homéopathique authentique* pour mieux qualifier tout ce petit monde, ce qui pourrait donner par exemple:
"Un individu d'apparence mercurienne a été interpellé ce matin en compagnie d'un ressortissant de la communauté des orificiels vindicatifs; tous deux sont soupçonnés d'avoir détroussé un spasmé confus, les Saturniens et surtout les sclérosés glandulaires sont désormais rassurés."




Mes quarterons savoyards, d'apparence immigrée bouddhiste, ou monégasque je ne sais pas (et puis quoi, Pondicherry était française bien avant le duché de Savoie)  







*Merci à mon amie agnostique de confession turco-batave
 pour le prêt des types homéopathiques.

Commentaires

  1. Excellent ! Mes propres enfants sont eux aussi de "sang mêlé", même si cela reste confiné à l'Europe. Si je résume, ça fait un mélange de belge, de luxembourgeois, d'italien, d'allemand et d'autrichien, avec une forte suspicion d'apport yougoslave du côté des arrières grands parents maternels...
    Vive la richesse qui naît des beaux mélanges.

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