Fabliau

Sujet pour un conte: quelqu'un a le pouvoir de matérialiser certains mots mais ne sait pas lesquels. Ainsi, à tout instant, au beau milieu d'une conversation banale ou importante, un mot peut faire apparaître l'objet qu'il désigne. L'ultime mot fera, bien sûr, apparaître la mort. Désespoir de cet être, peur de dire et de parler, puisqu'il ignore absolument si ce qui va s'incarner, sera une présence douce ou terrifiante. (ça me permettrait d'inclure des passages humoristiques: par exemple, une réunion de gens de lettres où l'on parlerait justement de la valeur et de la puissance du langage, et puis tout à coup, parce quelqu'un aurait dit qu'à notre époque les mots n'étaient que "des pièces de monnaie", il se mettrait à pleuvoir des pièces de monnaie qui parleraient...) Mais c'est le personnage étrange qui doit prononcer ces mots, car le conte doit justement évoquer sa peur de parler.

Un jour j'ai écrit: "on peut mourir d'abstraction". Je réitère.

Alejandra Pizarnik, Journal 1962, José Corti

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