La mouche et le figuier

Il m'arrive parfois, indéfectible urbaine, de goûter l'intelligence et l'inventivité de la nature, animalière et végétale. J'aime en relever alors la poésie, ou le pittoresque. Pas davantage. Car non, je ne suis pas encore acquise à la cause des Amap. Mais je cuisine! et goûte nécessairement les saveurs du marché, le parfum fleuri des poivrons, l'âpreté d'un chèvre, la fraîcheur du piment, le sel entêtant des coques, le levain gourmand d'un pain lourd et brun. Je garde aussi un souvenir fameux de quelques lectures jardinières: les Stratégies de la frambroise de Dominique Louise Pellegrin chez Autrement ou les ouvrages poétiques de Pierre Lieutaghi chez Actes Sud.
J'ai surtout dans une autre vie épluché décortiqué et englouti de pleins volumes d'histoire naturelle et de botanique traduits de l'arabe, vieux souvenir de fac et de recherches étudiantes où je m'étais essayée à la biographie d'un médecin militaire dans l'Algérie des années 1850... Avant les cautères et les pilules mercurielles, avant la rusticité de l'hôpital algérois du Dey, avant l'exercice fruste de la médecine auprès des Chaouïas, la première fascination de mon jeune médecin vosgien fut pour la nature méditerranéenne, le ciel radieux et les paysages agricoles.
Je me souviens de ses premières notes érudites sur les techniques de caprification des figuiers par le truchement des mouches cantharides!
C'est qu'il y a des figuiers mâles et des figuiers femelles; il en va ainsi aussi chez les kiwis (les fruits, et les oiseaux aussi du reste).
Les uns sont rustiques et ne s'épuisent pas à porter de fruits trop lourds.
Les autres se laissent conter moucheronnette par les premiers, ce qui ravit leurs fruits qui se gorgent alors de sucs savants, chuchotés par des insectes qui y auront laissé traîner leur pattes aimables et leurs poussières bactériennes.
Et il y a quelques jours j'ai appris (lors d'une jolie dégustation de vins blancs) qu'il y avait aussi parfois des mésalliances! Des figues audacieuses se réveillent soudain avec un merveilleux parfum de prune, ou de châtaigne. Comme le disait joliment mon conteur du moment, les racines ne s'entrelacent pas ni les branches ne badinent, tout n'est qu'affaire de chimie microbienne, d'imprégnation bactérienne... Alchimie féconde qui préfigure celle des cuisines... 


* il faut que je fouille dans mes archives car enfin, l'usage de mouches cantharides dont je sais par ailleurs la toxicité me semble étonnant. L'hilarante notice de wikipedia où l'on apprend que la cantharidia officinalis est "plus communément appelée mouche cantharide d'Espagne ou de Milan, bien qu'il ne s'agisse ni d'une mouche ni de cantharides et qu'on ne la trouve guère en Espagne et pas plus qu'à Milan" (sic), ne lève pas mes doutes.

Commentaires

  1. Place aux expériences...

    Mon gentil Papa, lui même Berbère Chaouis de
    Souk Ahras (Le Marché aux Lions ) et ma gentille Maman, elle Solognote de Nançay, se sont rencontrés fin des années 60 à Paris...
    Après s'être "conté moucheronnette" (J'adore),
    cette belle union à donnée naissance à deux enfants...
    Ma soeur et moi même...

    Mon Papa retourne depuis peu dans son pays natale, et cela en "mode bledar"
    il nous ramène des kilos de Figues du jardin de sa mère (99 ans),
    et en à même planté dans la Sologne natale de Maman... Près des pruniers...
    Maman en fait des confitures...
    Un mélange d'amour, et "d'alchimie féconde"...

    Un pot t'attend à la boutique...

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Articles les plus consultés