Le chamanisme est un humanisme

Observation n° 1

Cette nuit vers deux heures du matin, des perruches (si si) ont caqueté devant chez moi, dans un chahut assourdissant pour célébrer le solstice d'été ou peut-être prendre le relais de mon chat facétieux qui ne sait plus quoi inventer pour me forcer à me réveiller. J'aurais d'abord plutôt penché pour cette explication: félins et volatiles ligués contre moi; et en même temps j'ai gardé une âme d'enfant et me suis émerveillée de ce concert incroyable et insolite: ça caquetait et bavardait ferme... Je me suis souvenue qu'en Inde les perruches sont souvent les confidentes des personnages féminins (déesses princesses). Telle l'épouse d'un dieu de moyenne importance du sud qui est représentée une perruche posée sur sa main droite, attentive à l'oiseau qui recueille ses secrets.


Observation n° 2


Je croise souvent des gens qui parlent à voix haute dans la rue; ils déambulent ou se promènent et peu me semblent égarés ni fêlés. J'ai croisé ainsi dans une rue tranquille une vieille dame qui récitait le calendrier hebdomadaire des poubelles de la ville de Paris: "lundi c'est jaune, mardi c'est le verre, mercredi, ordinaire, jeudi jaune encore", le tout assorti de petits commentaires en aparté, sans doute pour son chien qui trottinait à ses côtés.
Et je me suis soudain rendue à la réalité: moi aussi je radotais! en plein jour, en pleine ville, à ma table de travail pour m'aérer les méninges ou préciser ma pensée, à l'heure de m'endormir pour mieux chasser les pensées morbides, dans le métro, à mes fourneaux, en me brochant les dents (mais ch'est plus compliqué ch'avoue), en cherchant mes clés/mon badge/mon téléphone à l'heure du départ de la maison/du bureau.
J'écris et je me parle, je parle et je m'écris, me gargarise d'incantations ou de devises qui m'ont paru percutantes un jour toujours: "Haut les cœurs", "On ne lâche rien!", "Fabienne Tabar Fabienne Tabar Fabienne Tabar..." (Baisers volés) ou encore "Je suis une patate mariée Je suis une patate mariée" (Toy Story 2), au hasard.

Ces derniers mois, je tourne avec deux-trois concepts verbeux et rudimentaires érigés en philosophie de vie, résumés en bien moins de 140 signes. Je dessine avec mon baratin des ondes égo-concentriques autour de ma personne qui doivent sans doute viser à me maintenir debout, au moyen d'une sorte de force centrifuge (?), à moins qu'il ne s'agisse de m'enivrer de mots jusqu'à n'en plus distinguer le sens ni la portée, et sans même recourir à la moindre substance hallucinogène!

J'aime bien l'idée que la seule magie des mots me donne du courage... ou de la témérité. Ces derniers jours en effet je me surprends à déclamer, avec des intonations pleines d'allant et d'autorité: Let's get lost!?
Allons bon, dans mes livres de psychopathologie on appellerait ça de l'automatisme verbal... Il y a peut-être des clubs d'écholaliques anonymes? Des groupes de parole pour les pies bavardes comme moi?

Autre solution: je troque mon chat contre une perruche.

Commentaires

  1. Chère Sumi

    J'ajoute au concert des perruches pour vous dire comme j'aime la manière dont vous écrivez.

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  2. Chère Florizelle,
    You made my day!

    je suis émue et ravie car votre blog est pour moi et depuis toujours une référence et une merveille de poésie et de beauté! je l'ai souvent recommandé alentour et plus souvent encore me suis demandé à quoi vous pouviez ressembler...;-)
    mille pensées,
    sumi

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