Foot


Bornée, sédentaire, snob, et surtout pas intéressée du tout, je croyais ma porte bien fermée à ces débordements mais rien n'y a fait: tout d'abord les clameurs sont entrées par la fenêtre, grande ouverte par ce temps chaud, et quelle que soit la partie qui se dispute, mon arrondissement étant le plus cosmopolite de Paris, il y a toujours alentour quelqu'un ou quelqu'une pour se réjouir de la victoire de son équipe nationale, je veux dire d'avant que de devenir parisien(e).

Ensuite parce que la parité s'est invitée chez nous! et qu'il cohabite désormais dans cette maison deux fans de football et deux grincheux réfractaires. L'atavisme sautant consciencieusement les générations, ma fille est à l'image de sa grand-mère, capable d'accès enthousiastes pour un gars qui court après un ballon. J'en tiens pour preuve les vignettes en carton de portraits de Makelele ou Treseguet scotchées au-dessus de son lit, entre un chromo de Krishna et une image pieuse mariale (engouement pareillement hérité de la même branche ascendante, non non, je n'en tire pas d'assertions hâtives). L'autre adepte est, par son naturel généreux, enclin à se passionner pour tout (et n'importe quoi, bon c'est pas gentil non plus). De là où j'écris, je l'entends s'exclamer à chaque haut fait de son équipe préférée, et devine ses assauts vigoureux sur mon canapé, et mes coussins brodés du Rajasthan, argh.

Pendant ce temps, le réfractaire n°1 traine sa peine d'une pièce à l'autre, attendant placidement que son jumeau de frère en ait terminé avec sa soirée télé. La réfractaire n°2 croit indispensable de délivrer un message à ce sujet en glosant sur son clavier.

Alors quand même pour faire bonne figure, il faut que j'avoue:
  • il y a longtemps, je suis allée voir un match dans un café qui aujourd'hui n'existe plus, si si;
  • voici trois semaines, j'ai lu une page de So Foot. Il y avait là un article de Hanif Kureishi, écrivain mancunien (et lacanien: je recommande passionnément Quelque chose à te dire, chez Christian Bourgois). Kureishi est avec quelques autres de ces auteurs qui me feraient lire avec gourmandise une étude sur les marmottes ou une recette de burritos, voire une chronique sportive;
  • je me souviens aussi il y a un paquet d'années m'être promenée une petite heure dans Paris en janvier emmitouflée dans une confortable écharpe bicolore siglée AJ Auxerre qu'un collègue attentif m'avait prêtée;
  • il y a plus de quinze ans enfin, je me suis retrouvée sur le parvis de Saint-Pierre de Rome, invitée aux premières loges par un grand-oncle cardinal à assister à une messe pontificale, terminant l'office debout sur ma chaise comme toutes les soutanes autour de moi, acclamant de conserve avec quelques autres milliers d'Italiens réunis sur la place un Pape charismatique et souriant. Sous les soutanes, foulant le velours des chaises: de grosses baskets blanches....
Mario Giacomelli, un de mes premiers livres de photographie: noir et blanc graphique, dramaturgie, peinture, une histoire pour chaque image, comme ces séminaristes à l'heure de la récréation...

Commentaires

  1. Eh les vignettes de footballeur je les avais oubliées^^' je les aurais retirées depuis longtemps si je m'en était souvenue^^'

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  2. Ça c'était quand j'étais petite U_u

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  3. Nilu, vous êtes priée de signer vos commentaires, s'il te plaît. et de te relire (les fautes !!!)

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  4. Lé fôt c pa grav...

    Ma vie se remplit à une vitesse folle de lieux qui n'existent plus... Je me couvre en permanence de ridicule en recommandant des adresses disparues... les fourbes...

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  5. c'est cocasse plutôt! le café dont je parle n'existe bel et bien plus: je passe tous les jours devant et me demande souvent quand il sera enfin transformé en boutique de fripes ou de frites... ça s'appelait les neuf billards et j'y ai regardé un match défendu par une équipe qui du reste n'existe plus non plus..

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  6. 8 Juillet 1982. Ce jour-là, je sais où j'étais et je sais ce que je faisais. Comme le 11 septembre 2001 ou le 7 Décembre 1941 pour les ricains. Ce soir-là, à Séville, au stade Sanchez Pizjuan, le sort et les talents, la violence et l'aveuglement, la ferveur et la foi mélées au poids de l'histoire ont écrit en 2 heures et quelques, sous mes yeux, une tragédie que je n'oublierai jamais. 2 heures et quelques d'impro totale pour un résultat émotionnel auquel les plus grands conteurs, pour peu qu'ils soient aussi mégalos que talentueux, rêvent sans doute d'arriver. Avec les mecs de ma génération, on a refait le match 100 fois des trémolos dans la voix, on a encore la haine quand résonne à nos oreilles le nom de Schumacher, fut-il aujourd'hui un pilote de F1. Retraité même. Eh bien, ce moment-là qu'une vie ne suffit pas à oublier, ça n'était rien d'autre qu'un match de foot. 22 crétins, un ballon et un arbitre. C'était sublime et dégueulasse, jouissif et atroce. Et si terriblement injuste...

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