Oulipro

Marie* est professeur de lettres dans le collège d'une ville où je n'ai jamais mis les pieds, mais que je devine industrieuse, et en même temps assoupie, brumeuse et cafardeuse.
Elle m'envoie chaque année un petit ouvrage ludique d'inspiration oulipienne écrit à quelques paires de mains de collégiens et confectionné avec soin sur les presses de l'établissement qui l'emploie.
Ses inspirations vont du conte de Grimm à la nouvelle de Buzzati en passant par Jean Dubuffet. Les textes sont parfois courts et vifs, parfois bavards et tout en broderies stylistiques et variations savantes.

Je tiens bientôt une collection de ces livres pauvres** qui n'en sont pas vraiment, puisque reproduits industriellement!
Certes il s'agit d'impression numérique, ou de photocopie (mais alors somptueuse, la photocopie; on est loin des pages ronéotypées de mon enfance qui sentaient l'alcool fort et faisaient les doigts violets), et de plus sur du beau papier au lourd grammage satiné, ou vergé, texturé, gaufré (un marque-page en braille cette année...) Le façonnage n'est pas en reste, économe et inventif.
Il s'agit surtout pour Marie de mettre entre les mains (et les méninges) de ses jeunes élèves de précieux instruments (de solides rudiments de syntaxe, un soupçon de littérature comparée, des gammes et des vocalises de vocabulaire pour maîtriser ses registres), et que la magie du verbe leur soit révélée.
C'est à chaque livraison un bonheur de littérature. Souriante, sensible très souvent, moqueuse parfois, revigorante. Lue et relue, mieux, imitée, recopiée et réinterprétée par mon vivier personnel d'auteurs amateurs, c'est dire si le prosélytisme de Marie fait son oeuvre.




*Le prénom n'a pas été changé, c'est exprès!
** Qu'est-ce qu'un livre pauvre? Voici