Foi

Mon auteur belge préféré s'appelle Sidi Larbi Cherkaoui.
Je l'ai découvert il y a cinq ans... à la télévision: Arte diffusait une captation de Foi, pièce de théâtre dansé portée par une musique somptueuse, et un propos sincère et dense. J'avais été séduite par l'intelligence de cette pièce, la sensibilité de son auteur, par son talent à mettre en scène ses questions sur la foi et la religion sous une forme sensuelle et physique et savante à la fois.
J'ai redécouvert Foi avant-hier en vrai, en chair et en sang, cheveux et même plumes, sable et goudron. Des silhouettes allégoriques dans des costumes aux couleurs franches et bavardes y croisent des spectres couleur peau tout en danse animale et déliée.

J'avais retrouvé à l'automne dernier cette même intensité dans Apocrifu, pièce plus intimiste, où de nouveau Sidi Larbi Cherkaoui conjuguait religion et dévotion avec coercition et violence, où des livres poussiéreux, empilés branlants dressaient des murs, ou éparpillés, lancés sur le sol, dessinaient un chemin aux danseurs contraints.
J'en garde le souvenir fantastique d'une hydre à trois têtes et six bras maniant trois épées, trois livres, le Livre...

U Sipolcru*

Voici que se termine
Le livre des Ecritures
Et le monde s'engourdit
Dans son malheur
Tu étais notre espérance
Où est mon chemin désormais

Ils t'ont mis dans une tombe
Pour que tu trouves le repos
Nous pleurons ton dernier soupir
Mais la pierre fait obstacle
A notre veille,
A ton pardon

Je doute que la Mort
Soit aussi forte que toi
Toi qui commandes le juste
Et le pauvre et le roi
Mais ta lumière m'échappe
Je suis orphelin et j'en souffre déjà

*Jean-Claude Acquaviva, A Filetta, extrait d'Apocrifu, pièce de Sidi Larbi Cherkaoui, septembre 2009

Pour les noctambules, dernière diffusion samedi 26 juin à 3h55 sur Arte d'un portrait de Sidi Larbi Cherkaoui en Belgique, en Chine, en Corse, en Inde...
Pour les chanceux, dont moi, Myth et Babel sont après Foi les deux autres volets du triptyque et sont donnés à la Villette dans les jours qui viennent.