Haphazardly

J'avoue, je suis une groupie, tendance obsessionnelle, limite à bêtifier parfois sans fin à propos de tout et de n'importe qui.
J'ai des marottes, j'ai des idoles, j'ai des légendes plein la tête et le cœur (comme en témoignent ici nombre de mes pages de dévotion païenne: la racine étymologique est la même, comme l'enseignait Michel Serres). Et partant, je suis capable des plus touchants émois de midinette au premier murmure ou télescopage aimable qui me connecterait en direct avec mes divinités domestiques.
Ainsi, j'aime à répéter à qui veut l'entendre cette jolie coïncidence qui m'avait trouvée il y a près de quinze ans dans un minuscule restaurant japonais à décrire mon admiration pour Marianne Faithfull aperçue dans un film de Patrice Chéreau quand, levant la tête, je réalisais que la chic silhouette féminine installée au comptoir à manger des tempuras c'était Marianne, avec son allure, sa voix sensuelle, et des bottes en cuir blanc incroyables.

Mon dernier ravissement a moins d'un jour et quelques heures: dans une charmante boutique de la rue Bichat où j'ai mes habitudes, je croisai hier une Japonaise auteur de très jolis bijoux animaliers et notamment de bagues à tête de chat ou de loup ou de lapin que je lorgne depuis assez longtemps. J'étais contente de mettre un visage et une voix sur ces bijoux poétiques (et accessoirement me repaître du délicieux phrasé des Japonais francophones aux voyelles très fermées et à l'intonation appliquée).
Ce matin, la page facebook de mon auteur préféré numéro deux, coutumier des posts les plus drôles qu'il me soit donné de lire sur cette plate-forme, exhibe en photo une bague dorée en tête de lapin oreilles dressées, accompagnée d'un commentaire sardonique dont il a le secret. Je ne peux m'empêcher d'y reconnaître une création de Yoshiko Parise et lui pose la question, à quoi il me répond qu'il aimerait savoir où en trouver une autre paire. Émoustillée à l'idée d'échanger quelques mots en privé (et non sur son mur: oui oui la groupitude se niche dans ces détails-là) avec mon écrivain adoré, je me retiens de commettre une blague sur la génération spontanée de lapins ou sur les bagues des rappeurs de la côte ouest. Je pense à Snoop Dogg spontanément, et je cherche laborieusement un chouette pseudo à base de Rabbit puis me ravise, je m'en tiens finalement à une réponse factuelle et pratique, c'est-à-dire un mail de dix lignes et trois digressions pour donner deux infos, comme à mon habitude.
C'est Hélène de la boutique qui me souffle le reste de l'histoire. Alors voilà, dans la même rue Bichat, se trouve l'atelier de Jean-Baptiste Thierrée, père de James, époux de Victoria Chaplin, présentement ami de Hanif Kureishi. Jean-Baptiste, en voisin, achète des lapins en quantité industrielle pour les offrir à tous ses amis. Dont Hanif.
The loop is looped.

et le film de Chéreau, c'est Intimité, d'après une nouvelle de Kureishi, Ours d'or à Berlin en 2001.

Commentaires

  1. Eh bien voilà, j'ai commencé à lire un article, puis un autre... et une heure et demie plus tard j'y suis encore ! Vous avez un talent d'écriture incroyable Sumi. Et je dis ça sans aucune flatterie. Votre style est plein de finesse, de sensibilité et d'humour et il réveille chez le lecteur (chez moi donc) le kangouroo qui danse à l'intérieur. Alors vive votre nouveau job qui vous laissera je l'espère le temps de créer d'autres jolis textes. Après tout, ça pourrait bien être ça, votre vrai futur nouveau job...

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