Tipping point

J'y suis, au point de non-retour.
Je me suis gavée d'édition numérique toute l'année, me suis repue des excellents articles de Virginie Clayssen ou d'Hubert Guillaud, chacun sur son blog respectif teXtes et La Feuille, dont l'intelligence et la curiosité opèrent une séduction (intellectuelle) imparable.
J'ai dévoré les papiers (hihi) qui y étaient consacrés sur l'incontournable owni, me suis insinuée dans les fils de discussion des groupes Tools Of Changing d'O'Reilly (+++) ou Digital Book World (+-) hébergés sur LinkedIn (car les plateformes propriétaires de TOC ou DBW ont un ticket d'entrée bien trop élevé pour moi, et puis hélas je ne vais jamais à Francfort). J'ai eu le tournis devant tant d'audace, d'effervescence, de promesses stimulantes d'innovation et de créativité, je me suis imaginée y prendre une part active, et d'une certaine manière, j'en prends le chemin, mais c'est une autre histoire.

J'en viens à mon point d'achoppement: me voici à une brocante d'automne sous un soleil estival. Je fais de l'œil aux cafetières fifties jaune à feuillage brun, avise des tasses en céramique façon Vallauris à un prix dérisoire, et soudain fais ce constat: les livres alentour ne m'intéressent pas. Je ne m'imagine plus les chiner et les traquer comme jadis. Trop de volumes accumulés chez moi, envie de m'en délester.
Pour autant, je n'ai pas sauté le pas de la lecture sur une liseuse et encore moins sur une tablette dont le confort d'affichage n'est pas optimal à mon sens pour de la lecture au long: autant lire sur mon bel écran Retina, une aimable musique émergeant au loin de mes Cabasse (ça c'est pour la parité: je suis aussi low-tech, j'écoute des disques sur ma chaîne hi-fi, oui oui) et avec mon chat en bandoulière ou en mitaines (que vient-il faire là et quel est le rapport? justement aucun, si on pouvait lui expliquer ça à mon chat). Et j'en viens doucement à l'idée que l'ebook (je ne parle ici que du livre numérique homothétique) est d'une ergonomie tout à fait honorable, et qu'on n'a rien inventé de mieux depuis le poche en somme.
Mais après tout, comme le disait mon professeur d'histoire des sciences, sur la page ou à l'écran, il est toujours question d'aborder le monde par l'écrit: voilà qui est de nature à rassurer les grincheux. Et au-delà de l'ebook, j'ai surtout le sentiment que les paradigmes de la production et la diffusion d'écrits, de leur consommation, de leur usage pour l'apprentissage, pour les loisirs, etc. implosent, et explosent, façon big-bang, dans un ample mouvement d'expansion et de création, et que tout reste encore à vivre!

J'aurai beau me bâfrer d'expériences numériques qui renouvelleront mon rapport à la lecture, il n'empêche, j'aurai toujours un goût fétichiste et matérialiste pour l'objet, pour son design (au sens de la conception), pour l'économie fabuleuse des images et des textes réunis à portée de main et de vue. Je garderai une place toute particulière pour les livres illustrés qui prennent la suite des albums de mon enfance, en me racontant d'autres histoires, et nourrissant mes rêves avec le même bonheur.


"Nothing exists without its opposite."
(Who the heck said that?)
But what could the opposite of this be?
And where would it exist?
I couldn't help thinking
that this "beach scene" in Palermo

was already part of a parallel world.

Wim Wenders,
Places, strange and quiet, Hatje Cantz Verlag, 2011.

Ce merveilleux album évoque spontanément Martin Parr et ses Boring Postcards, le cynisme et le regard distancié en moins (non, je n'aime pas Martin Parr), plutôt une réelle capacité à s'émouvoir et à nous le faire partager au moyen de textes économes.
Quelques clichés sont visibles sur Nowness, site somptueux et touche-à-tout (sous bannière LVMH, personne n'est parfait;-) ou encore sur le site du Guardian, à la suite d'une expo qui s'est tenue au printemps dernier à Londres.

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