Ce qu'aimer veut dire

Je m'arrache les cheveux pour mettre Camille au travail, ce qui vaudra toujours mieux que d'arracher ses cheveux à l'intéressé (hélas oui on a des élans... archaïques et violents dans ces moments désespérés-là). Cet enfant est capable du meilleur en même temps que du pire. Les plus merveilleux dessins inspirés ces temps-ci des jolis croquis coloriés de Florent Chavouet, incroyablement savants quant à la perspective et à la finesse des détails, côtoient les pires inepties dans ses cahiers de classe: non Camille, les Musulmans ne disposent pas d'une salle de prière pour y vénérer leurs idole (sic). Tu écoutes la même radio que moi ces derniers matins? L'entends-tu seulement? Euh ça ne va pas aller non plus: une mosquée n'est pas composée d'un minaret, du mihrab et d'une... cathédrale!?!?!?! Le plan de la mosquée de Cordoue de ton livre d'histoire précise en pointillés l'emplacement de la cathédrale édifiée quelques siècles plus tard! Xe et XVIe siècle, ce n'est pas tout à fait contemporain! Comment ça tu ne sais pas lire les chiffres romains?

Suite à cet échange capillorisqué, il se trouve que:
1. j'ai eu une subite envie d'aller vendre des fish & chips quelque part en Mer du nord (mon royaume domestique pour une caravane échouée dans un vallon sablonneux) avec le soleil d'automne et la mer argentée pour tout horizon, une thermos de café au lait et de la musique beuglante qui ferait fuir les chalands sitôt leurs beignets de cabillaud dorés croustillants servis, dans du faux papier journal imprimé de faux faits-divers macabres et poétiques. Mais il faudrait d'abord que j'apprenne à conduire, et que je sache faire une mayonnaise;
2. je me suis plongée dans des entretiens autobiographiques tout récemment parus que Catherine Millet a rassemblés dans un volume de la géniale collection "Témoins de l'art" chez Gallimard (Dina Verny, Leo Castelli ou... Laurent Fabius sur l'art français).
Je découvre son parcours qui est celui d'une réelle autodidacte grandie loin du sérail de l'art et de ses marchands et, même si j'ai bien conscience de l'anachronisme de ces audacieux débuts, eu égard à l'immobilisme social actuel, cet élan m'enchante qui voit Catherine Millet à vingt ans à peine chroniquer pour Les lettres françaises une saison d'expositions, créer à vingt-cinq ans avec Daniel Templon et Hubert Goldet la précieuse revue artpress.
Je repense à Robert Delpire et à sa revue neuf. Et à d'autres histoires d'une ambitieuse jeunesse...

Alors en attendant, je me résigne à endosser le rôle de la mère raisonnable et responsable, investie de l'autorité éducative qui fait que je veillerai à ce que mon petit garçon apprenne ses leçons, et soit de bonne composition.
Il sera toujours temps de le découvrir un jour auteur de journal du Camille R. (en version illustrée? gloups). Car une chose que j'apprends chaque jour est que l'on peut avoir à cœur d'être la plus compréhensive et la plus attentive des mamans, un beau matin on accuse nécessairement ses limites et on se laisse dépasser, parce que c'est dans la logique des choses!

Me restera à prendre la route pour Knokke-le-Zoute...

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