L'empire des sigles

Comme Catherine Millet, j'ai commencé ma vie active aux Presses Universitaires de France.
J'y côtoyais un collègue éthéromane secoué toute la journée de rires nerveux qui m'avait offert à mon départ un ouvrage sur Richard Feynman et le projet Manhattan; le directeur du personnel ressemblait à un petit hamster, il était féru d'opéra et portait bretelles et brillantine (je l'ai retrouvé des années plus tard: aux côtés du Fantastic Mr Fox de Wes Anderson). On appelait la réserve "Victor Cousin" au moyen d'un interphone anachronique et Victor Cousin répondait, qui habitait... dans la rue éponyme face à la Sorbonne. En vrai, c'était un homme charmant doté d'une barbe blanche toute biblique et de belles mains très fines qui m'avait quant à lui offert un recueil de poèmes siens.

Comme Catherine Millet, j'ai ensuite abandonné les volumes de papier imprimé et leur comptabilité pour remonter le courant et migrer toujours plus vers leur conception, puis le concept de leur conception, en moins brillant, plastique et spectaculaire quand même.
C'est drôle d'emprunter ce chemin.

Et de se retrouver aujourd'hui à embrasser une étrange religion, toute en abstractions et en aride terminologie. Le pire dans l'histoire est que je m'y trouve bien: exercice périlleux mais stimulant que la juste identification et compréhension d'instances aussi simples en apparence que "document, publication, donnée, contenu, référence, système, base, nature, ensemble, assemblage", etc.
J'avoue toutefois moins facilement pousser mon boniment et mes petits échafaudages verbeux pour moquer la novlangue des entreprises ou le jargon des métiers que je côtoie, c'est un peu tôt! J'en suis aujourd'hui à un tel dépouillement de la pensée que je serais bien en peine d'y déceler une quelconque matière à (sou)rire.

Heureusement, il y a dans tout univers de travail, et quelle que soit l'activité à vrai dire, une propension à contracter tout et n'importe quoi en sigles et en acronymes. Arrivant tout juste dans la (nouvelle) place, je saisis au vol l'attirail des abréviations maison et souris à l'idée de mes méprises possibles, car un même sigle peut vouloir dire tant de choses selon les contextes!
Allez, un exemple qui a ma préférence depuis très longtemps; d'autres suivront nécessairement c'est promis! inspirés par mon nouvel environnement de travail.
Voyez plutôt:  ATM: distributeur, mâchoire ou transmission de données?
  • Automatic Teller Machine,
  • Articulation temporo-mandibulaire,
  • Asynchronous Transfer Mode,
  • ou que sais-je encore. Une requête sur le web donnera des dizaines de résultats, sans compter ceux qu'on s'amuse à inventer...
Localisation des mandibules asynchrones au moyen de Google, puissant moteur de recherche sémanticomique





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