The Limits of Control

C'est étrange cette vacance subite, en transit entre deux aventures.
Un goût de voyage en ville étrangère, une sensation d'absence au monde. Je repense à un roman de Kazuo Ishiguro, Un artiste du monde flottant, où le monde flottant désignait la ville souterraine des plaisirs de la chair et de l'art. Je pense encore au Luna park habité de magie dans Chihiro.
Je m'y représente échouée sur un banc devant un manège fantôme animé de silhouettes souriantes et floues, comme des surimpressions sur une pellicule argentique voilée, observant ma vie se vriller et se décentrer soudain pour aller se concentrer ailleurs (sur une autre attraction;-)


Je suis plongée dans le Limonov d'Emmanuel Carrère, et c'est pile la lecture que je veux absorber ces jours-ci. Ce roman qui n'en est pas un (et Carrère n'est jamais aussi passionnant que lorsqu'il est dans l'écriture documentaire) est le portrait fiévreux d'un homme dont la vie est un gouffre romanesque vertigineux.
Ce livre est aussi et surtout traversé d'une question obsédante, celle du sens que l'on veut donner à sa vie, parce qu'on est avide de liberté, de grandeur parfois, d'amour aussi. La réponse s'y dessine et se déploie sur près de 500 pages, prenant des tours lyriques autant que douloureux et irritants.
Comme une invitation à ne jamais rien lâcher, à vivre noblement même lorsque l'on est un gueux, à poursuivre ses audaces et ses convictions
Lire Limonov, c'est emmerder le principe de précaution. Et c'est réjouissant.







Abstraction faite de tout jugement sur le personnage public!
p. 227: bien que je passe mon temps à établir de telles hiérarchies, bien que comme Limonov je ne puisse pas rencontrer un de mes semblables sans me demander plus ou moins consciemment si je suis au-dessus ou au-dessous de lui et en tirer soulagement ou mortification, je pense que cette idée - je répète : "L'homme qui se juge supérieur, inférieur ou égal à un autre ne comprend pas la réalité" - est le sommet de la sagesse et qu'une vie ne suffit pas à s'en imprégner, à la digérer, à se l'incorporer, en sorte qu'elle cesse d'être une idée pour informer le regard et l'action en toutes circonstances.

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