La vie, et rien d'autre*

L'année déroule son écheveau, elle crache des nœuds, dessine de belles longueurs languides ou des boucles souples, souriantes et voluptueuses; elle vrille parfois, parfois s'effiloche et regimbe.
Un bon indicateur du temps qui passe est la hauteur de pile de mes livres de chevet.
Le temps glisse sans heurt ? les pages et les histoires défilent, s'avalent et se digèrent. J'en savoure la chair légère, goûte leur amertume et leur cuir.
Le temps se fige ? je peine à absorber le moindre filet d'encre, grignote sans appétit, mâchonne sans conviction, laisse des restes. Ces reliefs de lectures inachevées encombrent mon chevet (et mes sacs) et se rassissent à coup sûr.

Je me réfugie alors dans les journaux. Le journal (papier!) du matin qui livre son lot d'histoires et de stories comme on dit dans la presse anglo-saxonne, hautement périssable, englouti le temps d'un trajet maison-bureau.
Mais aussi les journaux d'écrivains dont je tiens une modeste collection pour les lire à ma façon: je picore ici et là un 21 mai (ou une date approchante quand l'auteur a eu la fantaisie de ne pas écrire tous les jours), et je m'en fais un mille-feuilles au goût du jour. Le télescopage est surprenant et les récits se répondent ou trouvent une résonance dans ma propre journée, ou encore cela peut détonner joyeusement comme dans un cadavre exquis! Toujours est-il que ma dînette reste toujours digeste.

Sinon, il y a la poésie (qui est au roman ce que la pâtisserie est à la cuisine) et pour laquelle point n'est besoin d'avoir faim, car elle est affaire de gourmandise...










*titre en français de l'autobiographie de JG Ballard (Miracles of life en anglais) parue en 2009 chez Denoël. Je pousse mon goût pour les journaux d'écrivains à son comble car il s'agit là d'un auteur que je n'ai jamais fréquenté et pour qui, pourtant, à la faveur d'un bel article paru à l'époque de cette dernière parution, j'ai depuis une immense affection.

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