Hasard, voix, morceaux
"si je te dis: pas un ne vit sa vie.
Les hommes sont hasard, voix, morceaux,
routine, anxiétés, mille petits bonheurs, déguisement d''enfance, camouflages
de masques d'hommes faits, de visages - mutisme.
Je me dis bien des fois: je suppose qu'il est des chambres aux trésors
où découvrir ces innombrables vies gisantes
ainsi que des armures, litières ou berceaux,
que ne hante jamais personne de réel
comme des vêtements qui esseulés ne peuvent
se tenir droits et qui, pendants, s'appliquent
aux murs puissants de pierres en voussure."
"Mon plaisir non dissimulé pour le fantastique et la démesure s'est toujours appuyé sur la ferme conviction qu'une histoire n'est rien de plus que la fantôme d'une vie. Ou vice versa. La littérature est une rue à double sens. Et quand les vies meurent, elle deviennent avec un peu de chance des histoires. Au fil des ans, certaines fictions peuvent se confondre et se perdre sur les chemins de faits véridiques. On commence d'un côté ou de l'autre. J'avoue être un disciple de la première école et je reconnais qu'il est un instant sublime où les deux possibilités se fondent l'une dans l'autre et qu'à compter de là, on devine à peine la grandeur ou l'horreur de la littérature. Bien sûr, il ne faut pas trop y penser. Cela peut se révéler présomptueux et, par conséquent, dangereux. La véritable fonction de l'écrivain - sa seule raison d'être, sa manière simple de se rendre utile à la société - consiste alors à observer avec patience et plaisir et à consigner méticuleusement ce phénomène. Epier posté au détour du chemin, caché derrière un panneau, chronomètre en main, et déterminer, oui, ma version privée de ce que je crois avoir compris qu'était la vitesse des choses: le temps exact que met une vie à se changer en histoire et une personne en personnage. La suivre et le suivre dans son voyage."
Les hommes sont hasard, voix, morceaux,
routine, anxiétés, mille petits bonheurs, déguisement d''enfance, camouflages
de masques d'hommes faits, de visages - mutisme.
Je me dis bien des fois: je suppose qu'il est des chambres aux trésors
où découvrir ces innombrables vies gisantes
ainsi que des armures, litières ou berceaux,
que ne hante jamais personne de réel
comme des vêtements qui esseulés ne peuvent
se tenir droits et qui, pendants, s'appliquent
aux murs puissants de pierres en voussure."
"Mon plaisir non dissimulé pour le fantastique et la démesure s'est toujours appuyé sur la ferme conviction qu'une histoire n'est rien de plus que la fantôme d'une vie. Ou vice versa. La littérature est une rue à double sens. Et quand les vies meurent, elle deviennent avec un peu de chance des histoires. Au fil des ans, certaines fictions peuvent se confondre et se perdre sur les chemins de faits véridiques. On commence d'un côté ou de l'autre. J'avoue être un disciple de la première école et je reconnais qu'il est un instant sublime où les deux possibilités se fondent l'une dans l'autre et qu'à compter de là, on devine à peine la grandeur ou l'horreur de la littérature. Bien sûr, il ne faut pas trop y penser. Cela peut se révéler présomptueux et, par conséquent, dangereux. La véritable fonction de l'écrivain - sa seule raison d'être, sa manière simple de se rendre utile à la société - consiste alors à observer avec patience et plaisir et à consigner méticuleusement ce phénomène. Epier posté au détour du chemin, caché derrière un panneau, chronomètre en main, et déterminer, oui, ma version privée de ce que je crois avoir compris qu'était la vitesse des choses: le temps exact que met une vie à se changer en histoire et une personne en personnage. La suivre et le suivre dans son voyage."
Rainer Maria Rilke, Le livre d'heures. Le livre du pèlerinage, 1901
Rodrigo Fresan, La vitesse des choses, 1998.
Rodrigo Fresan, La vitesse des choses, 1998.
Je crois qu'écrire c'est en découdre avec le quotidien, qu'etre invicible ce n'est pas de toujours gagner mais de retourner batailler( creuser la curiosité )car il le faut.
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