J'ai 73 ans*

Aujourd'hui, j'ai rencontré un personnage!
Antoine de Galbert, collectionneur d'art brut, a invité dans sa Maison rouge Jean-Jacques Lebel, autre collectionneur/commissaire d'exposition/montreur/agitateur/artiste/poète.
La nuée de marteaux et de sacs retournés suspendus en rangs serrés au plafond plante le décor: accumulation, dissidence, contestation; suivent des photos des barricades de 44 ou 68, un affichage public des lendemains de la Commune et des portraits de Fourier ou Louise Michel...

Lebel a tout de l'amateur passionné, entêté, fervent, remuant et libertaire, meilleur montreur qu'artiste du reste, capable de tisser une seule et ample filiation entre des croquis de Hugo, les dessins hallucinés de Michaux ou d'Artaud, et les surréalistes qu'il a côtoyés tout jeune (!): cadavres exquis dessinés, provoquant des créatures hybrides ou des tableaux vagabonds foisonnant de queues et de têtes, ou encore et surtout les multiples déclinaisons de ses aventures avec Ferlinghetti ou Ginsberg et Burroughs: cahiers de collages, monuments à Félix Guattari (!), festivals de poésie directe, performances, happenings désinhibés entre théâtre, activisme et grosse déconnade (comme aurait dit Lebel lui-même, je précise pour Nilu!...), et enfin installations obsessionnelles à partir d'images ou de volumes hétéroclites.
Des reproductions de tableaux classiques ou des huiles et croquis anonymes ou signés (Klossowski, Schiele, Picabia, Dix... tout de même), des statuettes animalières, des objets du quotidien, de l'imagerie porno, des photos de charme ou de tournage (convoquées pour décliner les avatars de Vénus, autrement dit célébrer le cul des femmes), tout ce bric-à-brac tentant d'assouvir une même énergie sexuelle et créatrice inouïe.

J'ai découvert accessoirement un plasticien fameux: Victor Hugo, dont je connaissais le bon coup de crayon et les aimables marines ou paysages mais ignorais les dessins plus audacieux et fulgurants, la couleur et la noirceur fortes et vives, de l'action art avant l'heure.

* "J'ai 73 balais, et je les emmerde. A pied, à cheval et en Spoutnik", soit un long entretien avec l'hurluberlu Lebel à lire sur le site article11. Nilu, désolée pour la récidive...

Commentaires

  1. Je relisais ces vers ce matin...

    Bon appétit Messieurs !
    O Ministres intègres !
    Conseillers vertueux ! Voilà votre façon
    De servir, serviteurs qui pillez la maison !
    Donc vous n'avez pas honte et vous choisissez l'heure,
    L'heure sombre où l'Espagne agonisante pleure !
    Donc vous n'avez ici pas d'autre intérets
    Que remplir votre poche et vous enfuir après !
    Soyez flétris, devant votre pays qui tombe,
    Fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe !

    Ce totor tout de même ;)

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  2. Oui j'oubliais que l'animal politique qu'il a dû être ne pouvait que plaire à Lebel... on vient à tout: à l'occasion je lirai Hugo car je ne l'ai jamais véritablement lu. Mon seul souvenir marquant c'est 1000 francs de récompense!

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  3. Son théâtre qui l'a rendu si célèbre est assez pompeux au final je trouve... mais quelques envolées restent marquantes, dont celles-ci, que je transpose au temps modernes...

    "93"(rien à voir avec St Denis...) m'avait transporté ! Terrrrrrrrrible!

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  4. Je vais conseiller son théâtre à Naveen! qui n'était pas très inspiré par la Terreur et le Consulat dans son dernier contrôle d'histoire.
    J'y ai beaucoup aimé la question 5:
    Racontez le Consulat (en 5 lignes)
    ...

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